Alignant un certain nombre de fragments d'histoires dont les personnages révèlent peu à peu la cohérence, le scénario en est complexe. Il suit une logique onirique, plus qu'une chronologie par ailleurs soumise au chaos temporel. Deux anciens amis se retrouvent, invités à boire un vin magique censé effacer leurs souvenirs et les rendre aveugles.
Le premier est persuadé que le second lui a ravi la femme qu'il aimait. Wong Kar-Wai orchestre un maelström de duperies et de malentendus. Celui qui, par dépit d'avoir été éconduit, s'est transformé en cynique mercenaire, ignore que son prétendu rival (qui lui rend des visites rituelles) n'était que l'intermédiaire de sa bien-aimée repentante et soucieuse d'avoir de ses nouvelles.
Ce fil romantique est tissé d'autres motifs d'où surgissent une jeune paysanne en quête d'un tueur pour venger son frère (elle n'a à offrir qu'une mule et un panier d'œufs), un chasseur de primes aux pieds nus venu à dos de chameau et suivi à son insu par sa femme (il perd un doigt dans une bataille contre une bande de voleurs de chevaux), et une jeune femme qui se dédouble, s'invente un frère (prénommé Yang) qu'elle souhaite faire assassiner parce qu'il cherche à éliminer l'homme qui lui a promis le mariage et a disparu, mais qu'elle (prénommée Yin) espère encore.
Mon avis :
Très beau film après coup mais très déstabilisant aussi, si je n'avais pas été le voir au cinéma, je ne sais si je l'aurais regardé en entier à la TV. Le casting est de rêve (le défunt Leslie Cheung, Tony Leung en aveugle convaincant, Maggie Cheung...), les acteurs étaient excellents, l'esthétique nikel quoique dérangeante (couleurs vives, acteurs filmés sous un angle inhabituel, mouvements "décortiqués", musique un peu répétitive, entêtante, ambiance étouffante...) Bref, ça prend aux tripes vers la fin. J'ai d'ailleurs apprécié le film dans ses trente dernières minutes, l'apothéose. Mais attention, c'est vraiment très spécial, certains l'ont comparé aux "films spaghettis", je ne le ferai pas, Wong Kar-Wai est une autre pointure. Je le classerai 3ème sur les 3 films que j'ai vu:
1) In The Mood For Love, indétrônable, tout simplement sublime.
2) Les Cendres du temps (Redux)
3) My Blueberry Nights (mon reproche: le scénario, je n'en ai pas retenu grand chose, finalement c'était creux, que cherchait-il à nous dire?...je cherche, je cherche...)
Je partage grandement l'avis de la critique de Commeaucinema, ici que je ne pourrais exprimer en de meilleurs termes. "Too much" est pour faire court ce qui me vient à l'esprit. En voulant faire une oeuvre très différente, très "Wong Kar-Wai", très "d'art et d'essai", il en a trop fait. In the Mood for Love était pour moi en ce sens bien plus modéré, tout en finesse, bien "ajusté".
Avis de Commeaucinema:
L'œuvre maudite de Wong Kar-wai ! Réalisée avec peu de moyens, entre Chungking Express et Les Anges Déchus, ce film se sabre, qui marque une parenthèse dans la filmographie du cinéaste, plutôt habitué à filmer sous les néons de HongKong, n'a pas trouvé son public. Probablement frustré par cet échec, Wong Kar-wai l'éternel insatisfait, qui a toujours beaucoup de mal à boucler le montage de ses films, a donc décidé d'en faire un "remix" (plusieurs versions circulaient déjà).
La forme a légèrement changé, mais l'histoire reste la même : inspirée du roman de Louis Cha La légende du héros chasseur d'aigles, elle nous transporte dans la Chine féodale. Ouyang Feng, fine lame et guerrier solitaire, vit retiré dans le désert de l'Ouest. Il sert d'intermédiaire à ceux qui veulent commanditer l'élimination d'un rival, en engageant des tueurs. Régulièrement, il reçoit la visite de son vieil ami Huang Yaoshi qui, un jour, lui apporte, de la part d'une femme, un vin censé faire oublier les souvenirs de ceux qui le boivent (Vivre libre ou mourir en rêvant). Mais aussi d'autres énigmatiques personnages, comme la princesse Murong, qui est en fait un homme ; un guerrier presque aveugle, qui rêve de revoir une dernière fois les pêchers en fleur de son village ; ou encore une paysanne qui désire venger la mort de son mari.
L'étendard est immobile. Pas un souffle de vent. C'est le cœur de l'homme qui est en tourment… Complexe chassé-croisé d'âmes esseulées en quête d'amour perdu, Les cendres du temps est un film très nostalgique. Un ballet de cœurs brisés sur fond de chorégraphie d'arts martiaux. On y retrouve les obsessions de Wong Kar-wai : la solitude, la fuite du temps, la réminiscence d'un idéal d'amour déchu. Et la fine fleur du cinéma hongkongais. Au-delà du film de genre, c'est une chronique sur la disparition ou l'abandon de ce qui est cher. Les cendres représentent le souvenir de l'être aimé laissé derrière soi (le héros est hanté par le visage d'une femme). Une œuvre très riche, avec différents niveaux de lecture et une part mystique, des thèmes comme l'influence des astres (les périodes solaires) ou l'équilibre du yin et du yang.
L'esthétique visuelle, très travaillée, offre des scènes superbes, des images tout en reflets miroitants. Mais Wong Kar-wai a peut-être péché par trop d'ambition. Trop de couleurs saturées, trop d'effets triturés, trop d'enchevêtrement de récits et d'intrigues compliquées, qui finissent par noyer le spectateur. On avait grandement préféré l'original de 1994, beaucoup plus sobre, à cette version "redux", qui offre un habillage excessif (l'étalonnage a été refait dans des tons très vifs), associé à une copie de mauvaise qualité. Quand le perfectionnisme vire (un peu) à la névrose...
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