mardi 11 mars 2014

Je ne fais plus ce rêve étrange et pénétrant

"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues." *



Je ne fais plus ce rêve étrange et pénétrant...qui me poussait à désirer quelque chose qui ne semble pas me convenir. 

Il est étrange un beau jour de se dire que l'on a déjà vécu l'essentiel. On ne souhaite rien d'autre. Rester assis là, dans la beauté et simplicité du moment. La petite place pavée, le banc vert, le bruit des feuilles qui plissent sous la brise, un rayon du soleil sur la façade, la jeune femme qui promène son chien...La vie à travers les fenêtres ouvertes à l'étage semble suivre son cours, à son propre rythme. Un rythme lent, régulier, comme un souffle. La ville grouille d'en haut, de tous les côtés, et on en représente un maillon infime, insignifiant.

La vie ne tient qu'à un fil, elle est légère, légère...Il ne s'agit pas de s'appesantir sur les aléas et les déchirements. Il n'y a pas de place pour la déception dans l'amour. Simplement profiter du moment présent, comme s'il ne pouvait plus se reproduire. "Etre vrai" pour une minute, une heure ou des années. Et puis savoir s'en aller et retourner à sa solitude. L'absence d'expectation doit être la clé du bonheur...

Etre en osmose avec le moment présent, sa conscience et sa croyance; n'avoir ni remords, ni regrets. Ne pas rejeter ce que l'on est fondamentalement,  l'endroit d'où l'on vient et ce que l'on y a appris. Se libérer de ses préjugés est une chose, se renier soi-même en est une autre. Toute expérience est nouveauté mais la nouveauté n'est grisante qu'un temps. Esprit, "envole-toi bien loin de ces miasmes morbides; Va te purifier dans l'air supérieur" **...



* Mon rêve familier, de Paul Verlaine
** Elévation, de Charles Baudelaire

Merci @Maryeleng pour ses photos, sous licence Creative Commons