samedi 10 mai 2008

...aux J.O. de Pékin

Aujourd'hui, Lévi-Strauss n'a jamais été autant d'actualité. Entre la mondialisation culturelle, le phénomène d'uniformisation des cultures et le concept d'exception culturelle avec lequel on tend à se replier sur soi-même, il y a un équilibre à trouver et des vues à élargir.

Ce qui se passe en Chine et au Tibet en est un parfait exemple. Nous revendiquons ainsi les droits de l'Homme, mais à quel titre? Ne devrait-on pas dire NOS droits de l'Homme? Ils existent des lois certes, mais chacune est propre à telle ou telle société. Peut-on parler de lois universelles? Notre attitude à l'heure actuelle n'est-elle pas ethnocentriste?

Si je défends bien évidemment les droits de l'homme et que je considère la Chine comme un état autoritaire, je ne suis pas pour autant pour le boycott des JO et cela pour plusieurs raisons:

1) La Chine devient une puissance mondiale incontestable. Avec le crise des subprimes, l'Occident est plus affaibli que jamais. Certes, je vais parler en termes économiques, financiers, bref en terme d'intérêts matériels. L'argent est tout de même le nerf de la guerre comme on dit. Face à des considérations humaines, c'est choquant, mais c'est la mondialisation qui le veut. Je ne suis pas fataliste mais je suis réaliste, autant s'adapter et prendre en compte cette donnée.

Si la France vient à boycotter les JO, elle risque de perdre beaucoup. La Chine n'a pas besoin de nous pour prospérer, or, elle nous est indispensable au niveau des échanges, du commerce extérieur...Et si la Chine venait à nous boycotter ?
Tout l'Occident est soumis à cette pression. Même les Etats-Unis ne sont pas spécialement en position de force. Avec ses énormes réserves de dollars, la Chine pourrait donner le coup de grâce à la devise américaine.

Ensuite, qui dit que le boycott fonctionnera? Si la communauté internationale tout entière s'accordait au boycott, je ne dis pas, cela pourrait aboutir. Mais trop de pays auront peur à mon avis de représailles. Fera-t-on le poids si l'on est divisé?

2) Ce qui se passe en Chine et au Tibet n'est pas récent. Pourtant, nous ne semblons nous en préoccuper et réagir que maintenant. Pourquoi avoir attendu si longtemps? Tant que la Chine restait faire ses agissements dans son coin, on se contentait de ne pas regarder de ce côté; maintenant que nous sommes "obligés" de regarder par là avec les Jeux Olympiques, on adopte une posture outrée "non je ne regarde là que si..." Ne serait-on pas un peu hypocrite sur les bords?

De surcroît, nous savons depuis quelque temps que la Chine serait désignée pour les JO 2008. Pourquoi ne réagit-on que maintenant? Pourquoi n'a-t-on pas plutôt protesté tout de suite avec plus de véhémence? Fallait-il la "bénédiction" des médias pour réagir?


3) A-t-on le droit de mêler sport et politique? De nombreux athlètes attendent ces Jeux Olympiques depuis très longtemps, se sont entraînés d'arrache-pied dans ce seul but et se voient proposer de boycotter les JO ! On peut comprendre qu'il s'agisse pour eux d'une aberration...

4) La majorité des Chinois considère ces J.O. comme un honneur et souhaite leur réussite alors que le gouvernement de Pékin jouit d'une bonne légitimité auprès du Chinois moyen grâce à la prospérité et à la stabilité indéniable du pays. Les Chinois ont de plus fait d'énormes efforts au niveau des dispositions, des coutumes, afin de "plaire" au monde.

"Le pays était prêt à sourire au monde. Mais le monde ne lui a pas rendu son sourire."

Ils s'attendaient à nous voir oublier nos griefs le temps d'une "fête", et nous pensions que de nombreux Chinois nous rejoindraient. Les critiques occidentales ne réussissent finalement qu'à rassembler les Chinois dans le ressentiment; d'où l'émergence d'un "nationalisme chinois" qui semble tant nous offusquer. "La Chine ne demande rien d'autre que d'être intégrée dans l'économie mondiale et de trouver une place de membre respecté dans la communauté internationale."


Bref, nous agitons le drapeau des droits de l'Homme et de nombreux Chinois semblent se demander pourquoi on les embête avec ça. Leur pays est de plus en plus prospère, leur gouvernement jouit d'une belle légitimité à leur yeux et cela leur suffit. Et nous venons gâcher leurs réjouissances en disant détenir la vérité et la parole de l'Evangile.
Nous ne sommes pas si loin des concepts de Lévi-Strauss après tout. Il ne s'agit que d'incompréhensions entre deux cultures...quand il soulignait l'importance des échanges entre les cultures...il ne parlait pas que d'échanges économiques...

Sources:

Courrier International, Pathologique le nationalisme chinois?

faut-il boycotter les pays qui ne nous ressemblent pas? , Le Figaro


vendredi 9 mai 2008

De Claude Lévi-Strauss...

Né à Bruxelles de parents français, le 28 novembre 1908, Claude Lévi-Strauss étudie à Paris le droit jusqu'à la licence, et la philosophie; il est reçu à l'agrégation de philosophie en 1931. Tout en enseignant cette discipline, il milite activement à la SFIO. Sa carrière d'ethnologue débute en 1934, lorsqu'il est invité à venir enseigner la sociologie à São Paulo, où il restera jusqu'en 1939. C'est à cette occasion qu'il séjourne parmi les populations indiennes nambikwaras, caduvéos et bororos, et mène ses enquêtes de terrain.

Rentré en France, mobilisé au service des PTT, puis affecté au lycée de Montpellier, il réussit, après sa révocation en raison des lois raciales, à se rendre aux Etats-Unis en 1941, sur un paquebot où il voyage avec André Breton. Il enseigne à l'Ecole libre des hautes études, et à la New School for Social Research de New York; c'est alors qu'il découvre les travaux fondamentaux de la linguistique et de l'anthropologie, et notamment ceux de Roman Jakobson (1896-1982) et de Franz Boas (1858-1942).

De 1945 jusqu'à la fin de 1947, il est conseiller culturel auprès de l'ambassade de France à Washington. En 1948, il publie la Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara et soutient sa thèse les Structures élémentaires de la parenté. Ces deux premières œuvres, significatives, le font docteur d'Etat.

D'abord maître de recherches au CNRS puis sous-directeur du musée de l'Homme, il est ensuite nommé directeur d'études à la 5e section (dite des sciences religieuses) de l'Ecole pratique des hautes études, à l'ancienne chaire de Marcel Mauss, rebaptisée «chaire des religions comparées des peuples sans écriture». C'est l'époque de maturation, avec le très célèbre Tristes Tropiques et le recueil d'articles qui va définir son projet scientifique, Anthropologie structurale (1958).

La troisième étape de sa carrière est celle de la célébrité internationale. En 1959, il est élu à la chaire d'anthropologie sociale du Collège de France; il y fonde l'année suivante le laboratoire d'anthropologie sociale et la revue l'Homme. Ses travaux sont alors marqués par une double réflexion: d'une part, l'élaboration théorique de l'objet même de l'anthropologie, dans le Totémisme aujourd'hui et surtout dans son œuvre majeure, la Pensée sauvage; d'autre part, l'application de ces principes dans l'imposante tétralogie de plus de 2 000 pages, les Mythologiques (le Cru et le Cuit, Du miel aux cendres, l'Origine des manières de table, et l'Homme nu). La consécration vient en 1973 avec son élection à l' Académie française.

La parenté et les mythes

Le structuralisme de Lévi-Strauss s'exprime surtout dans les Structures élémentaires de la parenté (1948), la Pensée Sauvage (1962), les Mythologiques (1964 à 1971) et Anthropologie Structurale (1958 et 1973). Lévi-Strauss applique à l'anthropologie les principes que Saussure applique à la langue: il étudie les structures de société sans prendre en compte l'histoire. Ainsi, la parenté n'a rien pour lui d'une modalité biologique, il s'agit avant tout d'un système d'alliance. L'auteur se livre en réalité à une théorie générale de l'échange et de la communication: les signes, les mots, les femmes s'échangent et sont à l'origine d'une élaboration inconsciente des relations sociales; ces relations fondent des valeurs religieuses (mythes et rites), morales, politiques, économiques.

Pour Lévi-Strauss, il ne s'agit pas d'analyser "comment les hommes pensent les mythes, mais comment les mythes se pensent dans les hommes et à leur insu." Au fond des structures sociales, il existe une structure logique, une pensée inconsciente, baptisée par Lévi-Strauss " la pensée sauvage". Il s'agit ainsi d'analyser et de comprendre les sociétés et leurs cultures en terme de logique inconsciente. " Les mythes et les rites offrent pour valeur principale de préserver jusqu'à notre époque, sous une forme résiduelle, des modes d'observation et de réflexion qui furent (et demeurent sans doute) exactement adaptés à des découvertes d'un certain type".

"Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie"

En 1952 paraît Race et Histoire, en réponse à une demande de l'UNESCO. Lévi-Strauss ne condamne pas dans cet ouvrage les droits de l'homme en tant que tels, mais parce qu'ils ont constitué un alibi pour justifier la colonisation. Il refuse la prétendue supériorité de la culture occidentale et nous invite à l'humilité: le "progrès" est dû au hasard, nous n'avons fait que perfectionner des techniques mises au point par d'autres.

Il défend en outre corps et âme la diversité des cultures et dénonce l'ethnocentrisme: l'Occident prétend imposer ses propres normes culturelles et hiérarchise les différentes cultures selon des concepts...purement occidentaux. Enfin, il invite à la tolérance et souligne l'importance des échanges entre les cultures.

"Je hais les voyages et les explorateurs"

Si Tristes Tropiques est avant tout un récit de voyage, il dit aussi la difficulté du "vrai voyage", de la rencontre de l'autre, ainsi que l'avait déjà souligné Montaigne dans ses Essais. Pour Lévi-Srauss, le vrai voyageur doit être capable d'opérer un "triple décentrement": il doit intérioriser le fait qu'il ait changé de lieu, de temporalité aussi (le "progrès" ne touche pas les parties du monde à la même vitesse) et qu'il ait changé de vision du monde (l'argent par exemple n'a pas la même valeur selon les cultures). Evidemment, il continue aussi à dénoncer l'impérialisme occidental et montre les dangers de la "monoculture".

Sources: http://www.memo.fr